Présentation à l’Institut du Monde Arabe d’un Coran ayant appartenu à Arthur Rimbaud

À l’occasion des Journées du Patrimoine (20 septembre 2020), l’Institut du Monde Arabe à Paris a présenté un Coran ayant appartenu à Arthur Rimbaud. Il ne s’agit pas de l’exemplaire que l’enfant Rimbaud aurait eu entre les mains à Charleville ou à Roche, provenant de son père Frédéric (une traduction en français avec en regard le texte arabe), mais d’un exemplaire imprimé par lithographie à Bombay en 1865, que Rimbaud a peut-être acquis à Aden ou que lui aurait offert Alfred Bardey qui y avait fait un voyage au début de l’été 1880.

L’ouvrage a été donné à l’IMA par les descendants d’Alfred et Pierre Bardey, négociants établis à Aden, qui employèrent Rimbaud d’août 1880 à novembre 1885 (voir ce précédent billet).

Voici ce que dit Mme Andriyanova de l’ouvrage :

Al-Qur’ân, Bombay, imprimerie Heydari ( المطبعة الحيدرية), safar 1282 / juillet 1865. Ouvrage lithographié 25 x 17 cm, 544 p. Reliure à rabat et à recouvrement, en cuir de chèvre teinte en rouge. Décor à chaud, à l’argent (deux cadres festonnés reliés par les angles, fleuron central). Par son aspect physique (type de décor, couleur de la reliure), proche des reliures produites à Zanzibar dans les années 1880. L’origine indienne de la reliure n’est pas à exclure. Pagination en chiffres indiens de type persan. Les trois premières pages ainsi que la dernière page portant le colophon sont richement décorées avec des motifs floraux. La zone du texte est délimitée par un cadre en double filet. Les titres des sourates sont indiqués dans les cartouches. Papier fin, jauni, sans filigranes. Le volume est composé de 68 cahiers de 4 feuilles (numérotés). Sur les marges, indications de lecture, réclames, marques d’orientation (numéro du juz’, nom de la sourate). Le texte s’ouvre par une prière et se termine par une prière spécifique réservée à la fin du Coran. Le colophon contient toutes les informations sur l’édition et l’impression, notamment le nom du copiste qui a préparé la pierre lithographique (Al-Hajj Muhammad) et ceux des correcteurs (Abd al-Rahîm Dihlawî, Sirâj al-Haqq Ramafûrî, etc.)

Aucune annotation postérieure à l’impression n’a été repérée à l’intérieur du livre.

Glissée dans le livre sacré, se trouvait une lettre écrite dans un arabe approximatif, signée (et marquée d’un tampon) de l’abban Fârih Kali ( ابان فارح كله ), lequel réclame à Rimbaud de l’argent.

La lettre a été envoyée à Aden ( بندر عدن) depuis Gueldessa (جلدسا), village proche de Harar, étape importante sur la route reliant le port de Zeila situé au sud du golfe de Tadjoura sur la côte africaine à la vieille cité marchande de Harar, porte d’entrée du pays Galla (oromo) et point de rupture de charge entre les caravaniers somalis et ceux du pays abyssin. Cette halte caravanière fut particulièrement importante pendant l’époque de l’occupation égyptienne (1875-1885) et florissante du temps où Arthur Rimbaud la fréquentait.

Elle est adressée à Rimbaud par Fârih Kali, un abban bien connu des Européens qui opéraient dans la région : Armand Savouré, Éloi Pino… Il sera plus tard le guide de J. Gaston Vanderheym (Une expédition avec le Négous Ménélik) et parlait probablement le français. Il est intéressant qu’il écrive à Rimbaud en arabe.

L’abban est non seulement guide de la caravane, mais il garantit pour tout voyageur qui ne peut se passer de ses services, quelle que soit sa nationalité, la sécurité de ce dernier et de ses biens ainsi que le règlement de tous les problèmes qui peuvent surgir en cours de route.

« L’arabe négligé de cette lettre, écrit la conservatrice Mme Olga Andriyanova, n’en facilite pas la compréhension. On saisit tout de même que Rimbaud avait des dettes envers plusieurs personnes et que Fârih Kali, servant ici d’intermédiaire, lui réclamait l’argent nécessaire pour régler cette situation. » « La date incomplète (7 (?) chawwal), mentionnée après la signature, ne nous permet pas malheureusement de la dater précisément. »

On trouve dans le document PDF téléchargeable ci-dessous les informations publiées à cette occasion par Mmes Olga Andriyanova et Nacéra Sahali.

La bibliothèque présentait également plusieurs ouvrages autour de Rimbaud devenu négociant en Afrique et en Arabie.

Toutes les photographies © Hugues FONTAINE 2020, avec l’aimable autorisation de l’Institut du Monde Arabe.

Hugues Fontaine, le 06 octobre 2020.

10 novembre 1891

Arthur Rimbaud. Dessin d’Isabelle, vers 1891.

10 novembre 1891. Rimbaud meurt à 10 heures selon les registres de l’hôpital de la Conception à Marseille.

La veille, il a dicté à sa sœur Isabelle la lettre à un directeur de compagnie maritime :

Un lot……..1 dent seule

Un lot……………2 dents

Un lot……………3 dents

Un lot……………4 dents

Un lot……………2 dents

M. le directeur,

Je viens vous demander si je n’ai rien laissé à votre compte. Je désir changer aujourd’hui de ce service ci dont je ne connais même pas le nom, mais en tous cas que ce soit le service d’Aphinar. Tous ces services sont là partout et moi impotent, malheureux je ne peux rien trouver, le premier chien dans la rue vous dire cela envoyez moi donc le prix des services d’Aphinar à Suez. Je suis complètement paralysé donc je désire me trouver de bonne heure a bord dites-moi à quelle heure, je dois être transporté à bord.